… Ces journées devraient aussi
permettre de dégager des perspectives qui vont nous permettre de changer ou de
consolider la physionomie de nos recherches pour améliorer davantage notre
environnement. Il y a un an lors des journées scientifiques, j‘ai eu à
intervenir sur ce que j’ai appelé les dix conditions pour que le Grisp
AfricaRice assure dans sa plénitude toutes ses responsabilités. Aujourd’hui, je
reviens sur la nouvelle vision en ce qui concerne l’impact de la recherche sur
le développement. Nous avons, à cet
égard une conviction très forte, en
Afrique où le 21è siècle doit nous
permettre d’inventer nos méthodes de recherche
si nous voulons véritablement transformer l’agriculture africaine.
A cet égard, nous avons eu déjà à
élaborer lors du sommet des chercheurs à Abidjan pour dire, les chercheurs évoluant en Afrique doivent cesser d’être de simples
architectes mais plutôt des architectes et des bâtisseurs de civilisation
agricole en s’impliquant davantage dans
des opérations de développement à forts impacts potentiels . En
nous exprimant ainsi, en filigrane, nous voulons dire qu’il y a certainement
nécessité mais aussi urgence de construire des systèmes d’innovations qui
devraient impliquer toutes les parties
du processus de génération, de diffusion de l’innovation technologique.
En réalité, en nous exprimant
ainsi, nous plaidons avec force et
conviction sur la nécessité de faire de la recherche en Afrique autrement et
mieux en générant davantage de résultats
utilisables et utilisés. C’est cela faire de la recherche.
Au niveau de AfricaRice, nous
avons mis en place deux outils d’une importance capitale. D’abord, nous avons
mis en place des outils d’orientation stratégique de la recherche mais aussi
des outils de dissémination de l’innovation technologique parce qu’il s’agit de
réunir tous ceux qui sont concernés par
l’agriculture dans un espace à fort potentiel pour des réflexions
communes et des réflexions partagées qui devraient nous permettre de revisiter
notre cahier de charges mais aussi des pistes de dissémination de l’innovation
technologique. C’est le lieu aussi de présenter ce qu’on sait et ce qu’on ne
sait pas pour mieux l’utiliser.
Nous avons mis en place des
groupes d’action, des cadres qui favorisent
l’émergence des masses critiques qui seront beaucoup plus en situation
de complicité pour transformer nos situations d’intervention.
Si nous avons mis en place les
groupes d’action, cela tient à un élément essentiel. Le premier élément qu’il
faut retenir, c’est que nous, à Africa Rice nous estimons que les
priorités de recherche doivent être définies par les bénéficiaires de la
recherche. Les priorités ici à AfricaRice ne seront définies dans le
cadre de modèles mathématiques extrêmement compliqués, ni à Washington, ni
ailleurs mais en Afrique par les Africains et ceux qui évoluent en Afrique,
avec nos partenaires, bien sûr. C’est un principe fondamental. C’est le terrain qui doit commander la
méthode mais ce n’est pas la méthode qui doit commander le terrain.
Le deuxième élément fondamental
est que le CGIAR, tous les centres, ne peuvent plus se passer des initiatives
ou ignorer les initiatives en cours au niveau de nos pays, au niveau des
communautés économiques régionales, au niveau de l’Union Africaine, etc mais
aussi au niveau des initiatives qui sont prises par les organisations
professionnelles et interprofessionnelles. Cela me paraît quelque chose de
fondamental.
Troisième élément qui me parait
important, on parle d’impact mais l’impact existe là où il y a l’œuvre de tout
le monde. (…) Cela veut dire que les instituts de recherche ne peuvent pas
avoir d’impact dans leur espace en travaillant seuls pour mettre en place ce
que j’appelle les systèmes d’innovation.
Le quatrième élément important, nous pensons que le chercheur du 21ème siècle qui ne sait
faire que de la recherche va voir sa valeur marchande en décroissance parce que
ici comme ailleurs, on doit se situer dans une logique de décloisonnement et de domestication de la recherche.
Pour faire de la recherche, c’est l’affaire de tout le monde.
Cinquième élément qui me paraît
important, c’est que ici au niveau de AfricaRice, on veut construire
l’actionnariat rural, actionnariat rural qui va plus loin que partenariat.
Notre actionnariat consiste à amener des connaissances et des technologies, en
nous appuyant sur les connaissances endogènes et les résultats de recherche. Il
appartient au peuple d’apporter leur contribution, aux transformateurs
d’apporter leur contribution, à l’Etat d’apporter sa contribution. C’est cela
que nous voulons, un actionnariat pour le monde rural en Afrique. Mais l’actionnariat doit reposer sur
l’excellence scientifique et l’excellence scientifique doit reposer sur un
certain nombre d’étages qui se tiennent. Nous avons l’habitude de dire
ici que ces étages sont la transparence, l’équité, la pertinence de nos
recherches, la qualité, l’obligation de résultats, obligation de rendre compte,
l’impact potentiel, partenariat normé… Pour nous, c’est cela qui constitue
l’excellence scientifique. L’excellence scientifique va au-delà d’une simple
publication dans des revues de rang A. L’excellence scientifique inter-riposte
notre capacité à pouvoir agir conséquemment pour transformer dans notre univers
d’intervention
Nous n’avons plus
besoin de chercheurs, de scientifiques purs et durs mais des scientifiques qui
sont à la fois scientifiques mais aussi bâtisseurs de civilisation.
C’est notre vision. Alors tout ceci pour dire quoi, pour dire que nous estimons
que le Grisp marche et doit marcher et tout ce que nous faisons en dehors du
Grisp peut marcher, doit marcher. (…) C’est l’actionnariat rural qui va
constituer le succès du Grisp et le succès de nos recherches.
Pour conclure peut-être dois-je
citer un éminent penseur Montesquieu, certains d’entre vous connaissent ou on
lut. Il disait exactement ceci, « un avis qu’il faut donner au savant est
de pratiquer ce qu’il nous enseigne » et un autre philosophe disait
« les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, ce qui est important
c’est qu’il le transforme ». Et ici nous dirons que faire de la recherche
pour que le monde rural de demain soit dans les meilleures conditions de vie et
d’existence que le monde rural d’aujourd’hui. Cela appelle partage des responsabilités,
cogestion et respect des différences et rejet des indifférences aussi bien sur
le plan institutionnel que catégoriel. Et j’ai une conviction forte pour
l’Afrique, si nous faisons notre révolution, il n’y a pas de raison que
l’Afrique ne nourrisse pas l’Africain et nous avons la responsabilité dans le
cadre de Grisp et d’autres foras de réfléchir pour que l’Afrique nourrisse l’Africain simplement parce que l’indépendance alimentaire est la
première des indépendances. Elle plus forte que l’indépendance politique. Sans
l’indépendance alimentaire, on n’est pas outillé pour dire non et quand on
n’est pas outillé pour dire non, donc on ne peut pas être indépendant. Les
chercheurs doivent être au cœur de l’indépendance tout court de l’Afrique.
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