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Julien C. Atchadé par rapport aux langues secrètes : « A priori on peut dire que les langues secrètes n’ont pas d’avenir… »


Docteur ès lettres option linguistique. C’est le titre que porte désormais Julien Chambi Atchadé. Son thèse de doctorat porte sur les langues secrètes au Bénin. « Langues secrètes au Bénin : Approche sociolinguistique » est le thème de ce travail qui a amené ce passionné du culturel à aller dans le monde de l’exotérisme et des cercles bien fermés et difficilement pénétrables, à la découverte de dix sept langues secrètes du Bénin.

Quelle est l’origine des langues secrètes ?
Les langues secrètes n’ont pas d’autres origines que celle de nos langues de tous les jours. Elles sont dérivées de nos langues que nous parlons, du fongbé, du gungbé, du baatonu, du tchabè… Mais à voir tout le travail qui a été fait, on se demande comment nos parents ont pu, depuis des siècles, codifier la langue de cette manière. Et c’est parce que je suis linguiste que je suis parvenu à décortiquer cela. Ces langues ont une multitude de noms, de pronoms, d’adjectifs. Quand on prend ces catégories de mots, ils doivent les coder, les noms d’une même manière, les adjectifs aussi d’une même manière et on se demande comment ils sont parvenus à faire ce genre d’exercice. Je leur rends hommage.

Les langues secrètes sont-elles naturelles ou artificielles ?
Les langues secrètes ont pour base les langues naturelles. Si on prend les sept notes musicales on peut créer une langue artificielle. Les langues secrètes sont des langues naturelles mais elles ne sont pas des langues de tous les jours que vous et moi nous utilisons pour nous comprendre. Ce sont des langues naturelles mais qui ne sont plus exactement ce que nous connaissons.

Quel est leur avenir ?
Toute la problématique est là. A priori on peut dire que les langues secrètes n’ont pas d’avenir mais il n’y a pas que le facteur nombre qui compte ici. Ce n’est pas le nombre de locuteurs de ces langues qui va déterminer leur avenir puisque les gens vont toujours défendre le dernier mètre carré de nos langues secrètes et cela va reste pour longtemps encore.

Quelles sont les populations qui utilisent ces langues là ?
Ce sont des adeptes des divinités pour ce qui concerne les langues secrètes à vocation religieuse. On a parlé aussi du marché dantokpa où ce sont des bandits qui entre eux utilisent une langue pour se passer des mots pour dépouiller les usagers. Il n’y a pas que cela. Au marché d’Abomey, il y a une langue secrète que les usagers utilisent pour leur commerce. Il y a toute une variété de profils de personnes utilisant ces langues. C’est pourquoi dans la classification il y a des langues secrètes à vocation religieuse. Vous ne les entendrez que dans le cadre des célébrations religieuses. Il y en a que vous trouverez dans le cadre des initiations. Dans certaines sociétés le passage de la jeune fille ou du jeune homme à l’âge adulte se passe par des initiations et pendant cette période ils apprenent une langue.

Quels sont vos sentiments après la soutenance de votre thèse ?
Le premier sentiment est un sujet de remerciement envers Dieu le créateur. Comme l’a dit l’un des membres du jury, le chemin a été long et l’accouchement très difficile. Je me suis inscrit pour la thèse depuis 1995 avec la toute première promotion des étudiants de la faculté des lettres arts et sciences humaines à s’inscrire pour une thèse. J’étais loin de penser que c’est 17ans après que je soutiendrais. Mais aujourd’hui cela n’a plus d’importance. Lorsqu’on a son bébé on oublie les douleurs de l’enfantement. Et c’est un sentiment de joie et de remerciement à l’endroit de tous ceux qui m’ont soutenu sur ce chemin très long et très pénible.

Quelle est la thèse de votre thèse comme l’a demandé l’un de vos professeurs lors de la soutenance ?
On parle des langues secrètes. Et j’aurais pu au départ l’intituler langues éxothériques du Bénin ou langues de couvents. Le but c’est d’arriver à montrer que ces langues font partie de notre patrimoine culturel et en tant que linguiste cela ne doit pas nous échapper. Sous le prétexte du sacré nous disons nous autre que nous n’allons pas y toucher. Si nous même en tant que chercheurs africains nous ne nous y mettons pas, d’autres le feront à nos places et à nos dépends. La cause de ma thèse c’est d’abord un engagement. Cela fait 17 ans que je me suis inscrit pour la thèse mais cela fait 25ans que je travaille sur les langues de couvents. Le chemin est long et quoi que cela nous coûte, nous devons nous y engager.

Qelles sont vos perspectives. Que comptez-vous faire avec les résultats de vos recherches ?
Ce que je compte faire c’est de poursuivre la recherche. Au début on se dit qu’avec dix sept langues comme échantillon de recherche, c’est important. Mais à la fin on se rend compte que ce n’est rien par rapport à ce qui reste à faire parce qu’il faut aller au Togo, au Ghana, en Côte d’Ivoire… pour aller à l’origine de ces langues.

Interview réalisée par Ablawa BOKO

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